Monday, March 31, 2014

Oklahoma (66-18) : La cerise sur le citron


Un fast-food ? Un nouveau fast-food, pour le dîner ? Allez, celui-là en est à peine un : c’est un « middle-speed-food », où les hamburgers sont presque faits sur place et les bœufs sont élevés à quelques prés d’ici, non loin des champs dont le blé s’apprête à réduire ces pauvres bêtes en sandwiches ronds et mous, miam miam, de même qu’il menace les porcs voisins de finir en saucisse à hot-dog –la vie est cruelle, dans le pays de l’Oncle Sam !

Néanmoins, hélas, je ne me lasse pas, en retrouvant les photos développées sur mon écran, de jeter quelques coups d’œil sur la forme bizarroïde des pommes de terre qu’on nous y servait (sorte de croisement improbable de la frite avec sa cousine la chips), sur la couleur brillante des sodas rougeâtres où une cerise se fait dorer, sur l’île d’une rondelle de citron vert, à la lumière d’un vieux néon ; comme je me souviens aussi, dans les vitrines, des coupes de base-ball remportées par l’équipe des juniors du coin, des collections de Cadillac en miniature ou de Pontiac des années 50, et des plaques commémoratives fixées magistralement sur un mur par les défenseurs de la route 66 – protégée car on sait qu’elle fut menacée d’extinction par les autoroutes en construction (quant aux ours polaires et aux girafes du Sahel, et à la faim dans le monde, on verra pour plus tard, si on a le temps).

Après le fast-food, c’est un nouveau motel qui nous accueille : c’est bon, on est donc toujours sur la vieille 66. Chaque chambre a reçu pour papier peint le thème d’un continent du monde. Nous tombons en Afrique, et nous rêvons de brousse, de savane, et des déserts que nous allions sans doute nous aussi traverser sur un autre continent du monde, comme il est grand le monde !




Sunday, March 30, 2014

Oklahoma (1) : Miami !


Miami comme vous ne l'avez jamais vu. 



Hamburgers and classic cars.



La citerne de Miami.



Miami et ses airs de Little Dixie.



Les papiers peints partent, eux aussi, en voiture, vers LA.



Voitures garées sur une étagère dans le fast-food 
(ceux qui n'ont pas pu repartir).



Un jeu de mots qui court le long de la 66 - les 66ars seraient-ils un peu beaufs ?



Image pieuse dédiée à la Route mère.



Nous autres, routiers, road-trippers, camionneurs et décapotableurs... 
Association pour la protection de la route 66. 



Scoutisme d'Oklahoma 
(dans un fast-food, ne riez pas).



Eh, bien sûr, le base-ball. 



Frites chipsées.



La cerise sur le citron, poil au menton.



Et le motel, avec sa chambre ambiance savane. RrooÔÔaarh



Ellipse d'un départ. La télé s'est tue. Denise attend. 



Adieu, fourrures de léopard et peaux d'éléphants en forme d'oreillers, 
vous nous manquerez...



... car voici un beau jour de départ. Oklahoma...


Saturday, March 22, 2014

Oklahoma (66-17) : Des Indiens à Miami


Oklahomy God ! Que dirai-je sur les stériles et laides étendues de l'Oklahoma ?

L'Oklahoma n'est pas un pays qui se laisse aimer facilement. Avec ses derricks de pétrole, ses villes industrielles, ses plaines, plaines, plaines, ses lacs pollués, ses paysages quelconques et son manque cruel de poésie, d’aléatoire et de surprise, on le fuirait, si la Route 66 ne le transperçait pas de part en part sur ses 432 miles de bitume ou de béton, ses environ 700 kilomètres, l’un des plus longs tronçons de la Route.

Oklahoma. Allons, essayons d’être un peu moins monotones et plus sympathiques : en effet, pour une fois, pourquoi pas autre chose que de la poésie - autre chose que des surprises - autre chose que des délices pour l’œil du voyageur ou un régal pour l’appareil photos du touriste ?

S’il est cet « autre chose, » l’Oklahoma n’a pas toutes les couleurs d’un parc d’attraction, il faut l’admettre. Les gens du monde entier ne le choisissent pas comme lieu de vacances de prédilection comme San Diego ou Miami, pas même ses propres habitants. Ceux-ci, d’ailleurs, n’ont pas une réputation aussi caractéristique que les Texans ou les Californiens qui chacun à leur manière sont si américains, que ce soit par leur chapeau de cow-boy ou leur décapotable.

Et pourtant, il arrive que, loin de nous repentir d’avoir traversé certaines régions contre notre gré, loin de regretter d’avoir été contraints de consacrer du temps à une occupation qui ne nous intéressait pas a priori, loin de nous auto-flageller de découvertes imprévues à l’endroit où nous les soupçonnions le moins, il arrive que nous soyons contents, satisfaits et heureux d’expériences profondes, de la beauté ou de la laideur, qui ne nous auraient sans aucun doute pas été possibles autrement.

Courage, donc, et traversons l’Oklahoma. Le Voyage, lui, nous dira si nous aurons le droit d’être déçus.

 Le sandwich routier d’Oklahoma, cette bonne bouchée automobile, le Big Mac du road trip – nous l’avions entamé dans une fin d’après-midi, presque un soir, étant partis dans la même journée de Carthage, de son garage à la fois mémorable et légendaire. Ce n’est donc que le soir que nous nous arrêtâmes dans sa première ville, dont le nom pourrait sembler ironique puisqu’il n’est autre que Miami.

Miami, oui mais attention. Le nom a beau s’écrire comme celui d’une cité décadente de la côte Est où toute la Floride s’ébat sur des plages, sous des immeubles inondés alternativement de pluie et d’un soleil immodéré (c’est une Amérique du Sud), le nom du Miami d’Oklahoma ne se prononce pas de la même manière. D’un côté, vous avez Maïami, sur l’Atlantique ; de l’autre, vous avez Maiämé, sur la Route 66. Mamamia ! Ces subtilités s’expliquent par la diversité des tribus indiennes auxquelles ont été empruntés tant de toponymes américains.

Ce MiamÉ-là a un air de Little Dixie, vous vous rappelez, ce pays des Sudistes les plus au Nord par la géographie, mais toujours au Sud par les idées politiques. C’est en effet un drapeau de la Confédération (étoiles blanches et bleues sur fond rouge, il y a pourtant bien longtemps que vous avez perdu la guerre de Sécession) qui nous accueille dans une ville assez petite.




Le pays d’Oklahoma, vous le connaissez déjà sans doute un peu sans vous en être rendu compte. Dans le roman de Steinbeck intitulé Les Raisins de la Colère (celui-ci fut fait film), les paysans de l’État, que les intimes appellent « Okies », quittent leur terre. Ils sont dans les années 40, ça craint, ils fuient la crise, et tentent de rejoindre, étant à juste titre dupes des mythes, la Californie radieuse –où, peut-être, ils se voyaient viticulteurs dans la Napa Valley, éleveurs d’olives, ces animaux qui produisent l’huile, à San Luis Obispo, ou encore cueilleurs d’oranges parmi les Mexicains de la Vallée (la San Fernando de la Cité des Anges)- et non plus fermiers misérables ou mendiants dans les rues. Pourquoi pas, puisque après tout là-bas, on trouve du soleil !

Ce fut, du reste, et sans que ces gens s’en rendissent compte, l’un des actes de naissance de la Route 66, son arrivée à la vie dans la conscience américaine, l’enfantement de la Mother Road par l’exil : Oklahoma, n’es-tu pas la Sainte-Anne ignorée de Sainte-66, qui intercède pour nous auprès de son fils Oncle Sam, venu, paraît-il et comme le dirent les George Bush, pour sauver l’humanité du communisme et des talibans ? (c’est le fait de conduire autant, qui me fait délirer)

Toutefois, dans des temps plus reculés, l’État avait attiré les hommes. Ses richesses souterraines expliquent qu’il soit aujourd’hui bien moins vide que le Kansas ou le Missouri – tant il est vrai que l’homme préfère habiter sur une nappe de pétrole puante que dans le sein verdoyant d’un coteau bucolique. 1889 vit l’ouverture officielle de l’Oklahoma à la colonisation, à l’appétit délirant des settlers et au ridicule besoin de conquêtes d’irréductibles aventuriers solitaires.

Tout cela se passa bien sûr dans les règles de l’art selon la très civilisée loi des « premiers arrivés, premiers servis » (à l’exception des Indiens, car soyons honnêtes c’est pas du jeu, ils sont venus trop tôt). Outre nos Indiens, de petits malins avaient déjà commencé à s’installer un peu avant : ce leur valut le surnom de « sooners », nom qui désormais colle à l’Oklahoma (« the sooner state »), comme pour le rejeter constamment dans un auparavant.

Je parle des Indiens, qui sont une des spécialités de l’Oklahoma, même si cela s’y voit bien moins qu’en Arizona ou chez Davy Crockett : qu’il me soit permis d’en dire deux mots avant de reprendre le fil de la Route, ce fil d’Ariane en bitume à travers le labyrinthe de l’Amérique, qui trancha leur pays.

« Oklahoma », en effet, cela veut dire en langue choctaw : « okla » et « humma », soit : le pays des « hommes rouges » (pas verts). En fait, l’Oklahoma fut le refuge, durant les exodes indiens qui remplirent l’histoire américaine du XIXe siècle, d’un grand nombre de tribus. Cela explique la diversité ethnique de l’État de nos jours : il est celui qui compte le plus de tribus différentes aux États-Unis, juste après la Californie. Avec cette différence notoire, cependant, qu’il fut pris par les Indiens non par choix mais par défaut, alors qu’ils avaient aimé, avant nous visages pâles mais bronzés en été, la Californie pour son climat. Au tournant du siècle, on pensa même transformer l’Oklahoma en État indien des Etats-Unis. Son doux nom aurait été : Sequoyah, mais ce ne fut pas.

Mais les Indiens n’avaient-ils pas versé leur sang ? participé aux batailles de la guerre de Sécession qui ne les concernaient nullement ? la nation des Cherokee allant jusqu’à s’infliger à elle-même une guerre civile au même moment ?

          Enfin, un peu de sérieux, ce cadeau de leur propre terre aux Indiens ne fut pas fait : on les expropria, en bonne et due forme, c’est-à-dire selon le Droit (européen). Les compagnies de chemin de fer tracèrent des itinéraires pour les fermiers entre deux as (le Texas et le Kansas), essaimant au passage de nombreux ranchs, de multiples cow-boys, de nouvelles exploitations qui avaient peu à voir avec le (et du reste rien à faire du) Grand Esprit chamaniste de la terre ancestrale. Sequoyah fut enterré en 1905, et en 1907 Oklahoma devint le 46e État des États-Unis. 


Popular Posts